par Mathieu Nuss
Il y a dans le nouvel opus de Pierre-Yves Soucy, un neigé, un véritable phénomène neigé, qui est la voix même, et qui s’inscrit d’une seule traite sur près de 70 pages, à vrai dire, comme une partition de voix neigeante et de blancs cristaux réverbérant. À comptabiliser, on trouvera autant de ces « blancs » que de ces éléments de voix qui neigent : c’est là le nœud métaphorique du livre, qui est aussi extrêmement visuel. Et ce neigé, cette voix du poète, se constitue d’éléments de 2, 3, 4, 5, 6, 7 et 8 pieds (la plupart du temps). Il est intéressant de faire le parallèle entre ce nombre de pieds utilisés – qui, en alternance, rythment doucement l’ensemble –, et les cristaux de neige qu’aujourd’hui les experts classent selon leur morphologie en 7 catégories distinctes. Un double précipité sur la page, la voix et le blanc en miroir ou négatif.
À la lecture de ce minutieux tissage, en quasi points de croix, tout devient force physique dans la langue, s’offre en même temps qu’il se perd ou s’emporte dans sa cristallisation. Car la langue de ce livre bouscule un réel-physique par les surfaces de recouvrement qu’elle crée. Surfaces qui scintillent les unes au contact des autres, se rétractent les unes par les autres, se craquèlent : « nos lacunes captivent / et ferment nos ciels », « les angles avalent les paysages / de nos places ». La relation du lecteur à ce livre Neiges. On ne voit que dehors est pleinement physique : se cristallisant et fondant au fur et à mesure, l’espace graphique se libère et participe de l’éblouissement.
80 p., 15,00 €