Grégory Haleux : Diaboles. En rêves inversés

 
par Narciso Aksayam

Auteur d’Étant donnés, de Troublant Trou noir, ou encore des Registres de l’Hypnopompe1 ; spécialiste de Maryse Choisy2, de Jean-Joseph Rabearivelo, mais surtout référent incontournable pour l’œuvre de Fagus3 ; grand collectionneur et bibliophile aventureux ; éditeur enfin, de Laurent Tailhade, de Léo d’Arkaï, mézoci de J.-M. Baillieu, de D. Meens ou de J.-R. Lassalle, Grégory Haleux est pourtant bien moins prolixe qu’il n’y semble, et surtout bien plus rare qu’on ne le voudrait.

Sourdement assoupies depuis de longs mois, et silencieuses depuis les dernières grandes expositions de la C.A.P.U.T.4, les éditions Cynthia 3000 ont laissé échapper sous sa signature, en juin dernier, un fragment de la chrysalide où s’attardaient à couver les éditions L’Éthernité, dont le mystérieux profil reste encore tout entier à révéler – ou plutôt devrait-on dire un « fraguemant », si l’on en veut croire la couverture annonçant « 40 pulsions ».

C’est qu’ici l’on parcourt le Work in progress d’une poésie des plus érudites, ce qui ne saurait être un luxe en aucune saison d’inculture. Cadrée dans la forme souple et seyante de huit vers comptant huit mots plutôt que huit syllabes, cette épopée journalière d’écriture ne se montre ici qu’à son tiers, numérotée en romains qui rappelleront par la police (sentez l’humour…) les énergumèneries foudroyantes de feu M. Denis Roche autant que les miroirs trompeurs de la Délie. Pourtant sans lassitude, cet itératif parallélépipède de verbe affiche une verve lutine, farouche et sans censure, ne reculant à aucune césure, aucune coupe (fût-elle obole), effrayée d’aucun rejet. Fractions sommaires peut-être de convulsions dont le lyrisme taquin s’autorise quelques grâces perverses, pourvu qu’elles soient sapides, cette série de rêveries instantes pour gourmets goûtant le crin soyeux du bouc à l’œil rieur, s’achève sur un poème XL qui promet à plus tard les prolongations de cette gigantomachie miniature où des mignardises de Rhét(oriqu)eur empoignent pourtant fermement nos viscères attardées de contemplatifs impénitents. Une langue serpentine s’y coule, parfois bifide, comme un bronze incandescent dans le moule qui définirait l’Essence du poïen, mais le regard en coin, de quoi fendre la fibre féale et faire éclater la bûche où se chauffera le besogneux qui sommeille en chacun des Faust que nous sommes. Et l’on sait cependant dès le liminaire, éblouissant de morgue et de superbe, que l’on se joue de nous comme un parfumeur se prend lui-même au jeu du capiteux et de l’entêtant…




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Fraguemant – 40 pulsions
L’Éthernité
100 ex. numérotés
48 p., 11,50 €
couverture

1. Co-écrits pour deux d’entre eux avec la peintresse et hypno-plasticienne Céline Brun-Picard.

2. http://marysechoisy.blogspot.fr/p/biographie.html

3. http://www.cynthia3000.info/fagus/

4. La Collection de l’Art Populaire et de l’Underground Tacite qu’on a pu voir à la galerie l’Âge d’Or (75013) en 2016 : http://www.cynthia3000.info/caput/index.php?/page/presentation