Burns Singer : Sonnets pour un homme mourant

 
par Alexandre Ponsart

La couverture est une photo de Patrick Maury montrant une personne, seule, marchant sur le sable le long de la mer sous un ciel nuageux. Il semble qu’elle soit de dos, le regard face à l’immensité de la mer. Est-ce un homme mourant qui viendrait rappeler ces vers :

L’image palpable de ce que je ne peux pas dire.
Romps le silence avec moi : laisse le jeu
Du souffle et des sifflantes agonies lier
Une autre tranquillité à un état meilleur
Que cette lente séparation aujourd’hui permettra.

La présentation de ces cinquante sonnets invite le lecteur à une lecture approfondie de ces magnifiques vers. Le texte en anglais, fait face à sa traduction française afin d’être le plus proche possible du texte original. Patrick Maury explique le choix de la traduction dans la préface : « il m’aura fallu attendre bien des années avant de rencontrer les trois personnes sans lesquelles ce travail de traduction n’aurait pu être mené à bien : Mary Beth Mader (…) donna le ton à travers les premiers sonnets par son extrême exigence linguistique, puis Anthony Hubbard (…) prit le relais et, grâce à sa profonde connaissance des deux langues, nous a permis d’être à la hauteur de cette tâche (…), enfin Peter Broom (…) qui, par l’extrême finesse de sa relecture finale, a levé les dernières ambiguïtés. »

En lisant ces poèmes le lecteur se situe à la lisière du vivant ; ils sont les derniers instants de vie. Comme tout être humain, la question de la fin, interroge l’auteur. N’ayant pas décidé d’être né il faut tenter de saisir le sens de ce qui nous entoure tout en ayant conscience que la mort est une vérité implacable.

Homme mort, spectre en vie, homme vivant, je suis
Moi-même une ombre endolorie, égaré entre
Cadavre et action ; dans la syntaxe du rêve
Une métaphore putride pour n’importe quel homme
.

Si ces sonnets peuvent paraître sombres, noirs, il ne faut pas perdre de vue qu’il s’agit d’une poésie de l’existence. C’est parce que nous existons que nous pouvons questionner ce qui par nature n’est pas questionnable : la mort.

Et je ne mourrai pas, bien que je ne puisse plus vivre.
« Courage, ô chanteur, disent tes membres silencieux,
Tu chantes le silence mais le chant qui obscurcit
Tous les chants nous blanchit toi et moi dans le sommeil
Et ne laisse aucune rumeur là où peut se glisser un doute. »
J’arrête mes chants, stationne à côté de ton lit,
Et je te ferme les yeux – car tu es mort.

Une fois la lecture finie, je ne peux me défaire de l’envie de relire Une charogne de Baudelaire.

Les formes s’effaçaient et n’étaient plus qu’un rêve,
Une ébauche lente à venir,
Sur la toile oubliée, et que l’artiste achève
Seulement par le souvenir.
(…)
Oui ! telle vous serez, ô la reine des grâces,
Après les derniers sacrements,
Quand vous irez, sous l’herbe et les floraisons grasses,
Moisir parmi les ossements.




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Traduction de Patrick Maury et Anthony Hubbard
Préface de Patrick Maury
Édition bilingue
Obsidiane
128 p., 15,00 €
couverture