Corinne Lovera Vitali : Ce qu’il faut / 78 moins 39

 
par Esther Salmona

Ce qu’il faut offre une écriture liée au mystère d’un inconcevable qui a crocheté le temps, déplaçant son centre de gravité à jamais, tordant les dimensions de la vie, ayant des répercussions bien après et bien avant lui. Les textes groupés par trois, sept, quatre et cinq, nous en font les témoins. La quasi-absence de point et de capitale rend insensible le seuil du texte – nous sommes là, tout de suite avec – et fait de lui un bloc aéré qui bascule du côté de ce que serait une pensécriture – vie écrite, écriture de la vie – inoculée par la voix et ses respirations, invite douce et implacable. La structure du texte déploie avec une extrême intelligence les détails les plus porteurs de sens, lançant pour ça son « œil de jeune fille », faisant le relevé mnémonique de leur entremêlement sensible, de leur urgence, de leur épaisseur, réitérant par là l’effectivité de la lecture comme celle de la pointe du titre.

Moins écrit en toutes lettres dit la soustraction mais les nombres s’additionnent par la lecture : tension entre chiffre et temps. L’objet : couverture crème grenue, interlignage ample, pagination paire au corps gros, frayant à loisir sous les textes de 2 à 39 : seul nombre impair – un père. Le texte, rebours et avancée, déploie et rassemble les espaces, la voix circule de l’un à l’autre avec un détachement qui n’éloigne ni ne sépare mais accompagne. Ce mouvement nous permet de comprendre que les choses autour s’approchent tout autant que nous les approchons et qu’elles ont une intention. Mécanique : les phrases d’une traite, une page = une phrase, les mots ritournelles pris dans le ciment d’une enfance : pierre, lac, bête tuée, pluie, langue de terre, hache de guerre, noisette, tartine… Autant de signes d’un temps se retournant sur lui-même, se dédoublant, distance impossible à déjouer sauf par l’écriture.




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Ce qu’il faut
Publie.net
178 p., 17,00 €
couverture
78 moins 39
Louise Bottu
44 p., 7,00 €
couverture