Bohdan Chlibec : Une cour en hiver

 
par Sébastien Hoët

Bohdan Chlibec est né en 1963 en Bohème du Nord et vit à Prague depuis l’âge de 8 ans. Il n’a publié que trois recueils, dont les deux donnés ici par Fissile. Livre plus que recueil – car il y a en l’occurrence une véritable unité de ton digne du récit – Une cour en hiver frappe durablement par son désespoir furieux, et baigne dans une ambiance de déréliction comme on en connaît peu dans la littérature. Nous sommes au fond du trou. L’époque, la nôtre, n’y apparaît que par touches lointaines, excessivement discrètes, nous sommes plongés dans une espèce de solution anhistorique, un bain sordide qui prend tantôt les allures d’une chambre d’hôpital ou d’asile, c’est selon, ou élève la boucherie voire la porcherie à la dignité de monde. Nous pourrissons dans ce monde-porcherie, dans l’universelle boucherie, où le corps n’est que l’ajointement de ses propres organes suintants, comme dans cette « chambre d’enfant » : « Problèmes de glaire en respirant la nuit : / par les sécrétions salées des yeux de la fille » (p. 13). Point de minéralité des choses, de cristallinité de la durée, ou de l’éternité, mais le temps qui pourrit – « l’horloge a moisi » (p. 51) – dans cette viandéité universelle où hommes et femmes aux faces brûlées de psoriasis traînent maladivement leur incarnation, leur incorporation, essayant de se reproduire dans une poussée vitale qui tient de la suppuration ou de la coulée de boue. Recueil étrange, unique, effrayant, qu’on n’offrira qu’avec précaution à ses amis.




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Précédé de Une chambre obscure
Traduit du tchèque par Petr Zavadil et Cédric Demangeot
Fissile
104 p., 16,00 €
couverture