A.D. Moody : Ezra Pound: Poet vol. III / Ezra Pound : Posthumous Cantos

 
par Claude Minière

Réévaluation du « fourre-tout » en poésie

 

« c’est toi, Père Hélios, qui montre la voie »
Canto CXIII

 Le Soleil ou la Fortune. Évidemment, il et elle tournent. La voie…

Déesses et dieux grecs de la floraison et défloraison, trésors de la renaissance italienne, greniers à riz des empereurs chinois, ressources de la bibliothèque, jeu du capitalisme mondial, préjugés antisémites, saisons du ciel, guerres et paix, musique pour critique et moteur du langage, modes de production, documents et invention, changements et permanence, dilapidation et conservation… la poésie d’Ezra Pound devient très vite une méditation sur la gestion des richesses.

Les CANTOS subvertissent les maniérismes fin de siècle, la rareté méticuleuse, la préciosité symboliste. Fourre-tout1 ? Plutôt une réflexion à l’allure de premier jet sur le rapport dépense / conservation, désordre / ordre. On a souvent vu leur structure comme un « montage » mais il convient bien davantage de les lire comme fruit de cornes d’abondance, celle de l’Hadès et celle de l’Eros, ainsi qu’y invite le Canto I :

I dug the ell-square pitkin ;
Poured we libations unto each the dead,
First mead and the sweet wine, water mixed with white flour,
Then prayed I many a prayer to the sickly death’s-heads ;
As set in Ithaca, sterile bulls of the best
For sacrifice, heaping the pyre with goods…

« J’ai creusé la petite fosse rituelle, carrée, large d’une coudée ;
Versé nous avons les libations à chacun des morts,
Hydromel d’abord puis vin doux, eau mêlée de blanche farine,
Puis j’ai prié mainte prière pour les pauvres malades de la mort ;
Selon la règle d’Ithaque, pour sacrifice des taureaux stériles
De la meilleure espèce, amassant les offrandes… »2

Si le langage est ici élaboré en un savant rendu archaïque n’est-ce pas afin de mettre l’accent sur ce que, du fond des âges, les richesses ont une fonction de vie et de mort ? Accumulation et consumation. D’emblée sont invoqués Pluton le dur, redoutable maître du séjour souterrain, et Proserpine l’aimée, celle qui revient chaque printemps. Puis surgit Aphrodite :

« Cypri munimento sortita, toute joyeuse, orichaldi,
Dans ses guirlandes dorées, les seins enrubannés,
Toi aux noires paupières, qui portes le rameau d’or de l’Argicide. Et donc : »

Pluton et Proserpine (Perséphone) en premier ; Aphrodite et Hermès, le messager meurtrier ensuite. Et donc, le branle est donné.

Cornes d’abondance

What do I mean by all this clattering rumble ?
Bewildered reader, what is the poet’s business?
To fill up chaos, populate so
litudes, multiply images

Posthumous Cantos

Parmi les fragments et esquisses recueillis dans le volume de Cantos posthumes3 on peut trouver cette réponse que donnait Ezra Pound dans les années 1920. Qu’écrit-il ? « Une bagarre du tonnerre » (a clattering rumble). Qu’en attend-il ? Un miracle qui emplirait le chaos, le tiendrait en respect, lui imposerait une forme. Est-ce possible ? Avec cohérence ?

« Les rêves se heurtent
Et volent en éclats
Alors que je voulais construire un paradis
terrestre »
(Notes pour un Canto CXVII)

« Tout se tient pourtant
Même si mes notes rapides ne tiennent pas »
(Canto CXVI)

L’afflux des sources qu’accueille le poète, la pulsation de leur abondance fait qu’elles s’entrecoupent et confluent, se tressent, se séparent et retrouvent. Le génie poétique de Pound s’exerce en ce que le flux transporte et transforme ses « matériaux ». Si on ne perçoit point que ces matériaux sont fournis par l’ouverture de cornes d’abondance mémorielle, on s’égare dans la lecture laborieuse d’un « montage ». On peut aussi buter sur l’idée que l’œuvre serait d’expérimentation. Il y a certes chez le poète une tension contradictoire, des inventions, des provocations mais, séduit par les matériaux qui s’appellent les uns les autres, le poète conserve dans le même temps une conscience inquiète de ce que le poème doit être œuvre d’art. L’art de poésie selon lui suppose un double mouvement : à la fois sauvegarder et exposer, préserver et révéler.

Comment fondamentalement Pound justifie-t-il son travail ? Il a participé à la guerre éternelle entre la lumière et la boue,  ch’io faccia il canto della guerra eterna fra luce a fango  (Canto LXXII, en italien). Il est intervenu, non en sélectionnant méticuleusement les « morceaux » de son poème, mais en s’ouvrant aux voix qui venaient de toutes parts. Délibérément, il accueille le fruit de « cornes d’abondance » (de cornucopias). Le Livre rêvé par Mallarmé se trouve débordé, y entrent de multiples voix, contradictoires ou en fugue. Au départ, Pound avait annoncé son entreprise comme écriture « d’un poème d’une bonne longueur et qui contient l’Histoire » ; son poème, de fait, contiendra tout, tout ce qui afflue de cornes d’abondance  mémorielles ou gorgées de recherches documentaires historiques et de papillons d’actualité. En 1968, à un journaliste l’auteur suggèrera de lire les CANTOS en pensant à « une vitrine de magasin pleine d’objets de toutes sortes », a shop-window full of various objects – mais pour se reprendre très vite et confier (à Pasolini) : « On dit que mes citations sont prises au hasard, mais ce n’est pas ainsi que ça se passe, il s’agit de musique », They say that they are chosen at random, but that’s not the way it is. It’s music.

Sources

De place en place l’auteur des CANTOS donne ses sources dans le corps même de son ouvrage, exposant ainsi un « work in progress » que relance l’abondance. L’Eros et l’Hadès nourrissent en permanence ses lignes dans un chantier à ciel ouvert ou dans le labeur des zones inférieures. Alors cet immense poème qui pourrait parfois paraître obscur  coule de source : libations, spectres, déesses, soleil et ombres… Perséphone, Déméter, Eleusis, Dionysos, Vénus offrent l’enveloppe nostalgique ou illuminante de souvenirs de jeunesse ou d’expressions du désir de jouvence, voici le « fonds » sur lequel il tire sans effort pour tisser les motifs dans « la chaîne d’or ». Au milieu des années 1960, le vent aura tourné, le soleil restera seul maître – mais initialement c’étaient l’Hadès et l’Eros qui commandaient, présents ensemble dès le Canto I.

Le canto choisi pour ouverture provient d’Homère, et Pound le signale explicitement. Dante prendra le relais dans une compétition, celle de la tension vers le Paradis, mais le poète du XXe siècle n’aura pas de plan, pas de carte tracée pour se guider, s’orienter et traverser l’Enfer et le Purgatoire. Dès lors, et jusqu’au Canto LXXXV, seront régulièrement convoqués les Mystères d’Eleusis, Dionysos, Aphrodite, Vénus, Perséphone et Déméter… Pound donne ses sources non comme documentation marginale mais plongées dans le cours même du poème que, à proprement parler, elles informent.

Au Canto II, le spectacle naturel et mythologique se ravive (avec, au passage, emploi d’une image « d’actualité »).

« L’otarie s’ébat en cercles d’atomisation blanche lessive de rochers
Tête lisse, fille de Lir
Yeux de Picasso
[…]
Sous capuche de pelage noir, souple fille d’Océan ;
Et la vague glisse dans la gorge de la plage »

Le poète dépense à plaisir toutes les connaissances qu’il a engrangées durant ses études : formules grecques, leurs répondants latins, les échos en d’autres langues, toutes les épithètes des dieux et déesses attiques. La lumière antique, éternelle, enveloppe les femmes qu’il a rencontrées… C’est une dépense et une pensée. Dans le rythme même de cette dépense est accueilli le surgissement ponctuel d’une vision ou d’un son du monde :

Light: and the light, before even dew was fallen.
Panisks, and from the oak, dryas,
And from the apple, maelid,
Through all the wood, and the leaves are full of voices,
A-whisper
[…]

And in the water, the almond-white swimmers,
The silvery water glazes the upturned nipple

« Lumière : et la première lumière avant même que rosée soit tombée.
Panisques, et issues du chêne, dryades,
Et du pommier, méliades,
Dans tout le bois, et les feuilles pleines de voix,
Un chuchotis […]

Et dans l’eau, les nageuses blanc amande,
L’eau argentée glace le mamelon dressé »

(Canto III)

L’évocation d’une unique nymphe eût ici produit quelque décor bourgeois ; il faut une multiplicité de noms pour rappeler l’invention lexicale dont Ovide avait peuplé violemment et par enchantement la forêt. I have seen what I have seen, « J’ai vu ce que j’ai vu ».

Le « fantôme » du séjour des morts peut réapparaître à tout moment, « s’abreuvant de la tonalité des choses, tissant une phrase sans fin », mais la vie continue dans « la passion de tirer une forme de la buée » (Passion to breed a form in shimmer of rain-blur). Puis, épiphanie, « La mer glisse dans la gorge de la plage, secouant les galets roulés », puis c’est une danse, ce jour-là :

« Et tout ce jour
Nicea avança devant moi
Et l’air gris froid ne la troublait point
Dans toute sa beauté dévêtue… »

Si parfois, d’un canto à l’autre ou à l’intérieur même d’un des CANTOS, la concaténation des événements semble défaillante, si la succession des événements – linguistiques, imagés, rythmiques – paraît illogique, si les enchaînements sont disjoints, c’est qu’affluent, éprouvées sur l’instant, les données. Venues de différents points de l’horizon spatio-temporel, écoutées, réfléchies, les données sont amenées au présent, le présent d’un fleuve dans lequel on ne se baignerait jamais deux fois mais une infinité de fois.

Au long de plus de cinquante années d’écriture, Pound conçoit son ouvrage comme son journal d’économie, son livre de comptes où il consigne désastres politiques contemporains et rappels plus ou moins mythiques d’une gestion harmonieuse des richesses, naturelles ou produites par le travail. Un compte et conte des altérations et permanences. L’indéfendable Canto XLV où le poète s’enrage contre l’« usure » (dont Pound donne sa définition en Nota Bene : « loyer sur le pouvoir d’achat, imposé sans égard aux possibilités de production ») a pour conclusion la dénonciation d’une corruption affectant… Eleusis :

They have brought whores for Eleusis
Corpses are set to banquet
At behest of usura

« Ils ont introduit des putains à Eleusis
Les cadavres sont prêts pour le banquet
Sous le signe d’usura »

Pound emploie le mot latin usura et non l’anglais « usury » pour signifier que le mal n’est pas nouveau, qu’il remonte à l’Antiquité, comme il s’est plu à trouver chez Aristote une condamnation des opérations faussant l’usage raisonnable des monnaies. La recrudescence des pratiques usuraires pervertit jusqu’aux rites sexuels (naturels) d’Eleusis ! Le poète américain reste puritain quand il voit en l’usure une dégradation, et il reste « banlieusard » (le qualificatif est de lui) dans son préjugé antisémite. Il voit, quasiment halluciné, l’usure comme un dérèglement de l’ordre naturel et économique, un danger pour l’organisation civile et un obstacle à l’équitable répartition des richesses. L’usure détruit, désorganise, sépare : elle mine les efforts de qui veut « lier les gerbes », sélectionner les fruits. Mauvaise récolte ! Au fond, Pound veut restaurer une pastorale ; de toute son éloquence « civique » il va mobiliser les ardeurs contre un agent exogène qu’il croit capable de pourrir les généreuses récoltes « grecques ». Est-ce à dire qu’il délire chaque fois qu’il considère les affaires économiques et monétaires ? Aujourd’hui, quand les médias donnent une large audience aux « experts » en économie afin de nous expliquer les « crises », on pourra peut-être penser que Pound (un tel nom !) était en quelque sorte en crise à l’intérieur de la crise. Dans les CANTOS, l’entrée de considérations économiques n’apporte pas de corps étrangers à l’ouvrage poétique : elles font parties du tout, sachant que le tout de Pound est une méditation sur la conservation et la perte des richesses. Une série de Cantos conduits par la volonté didactique pourrait apparaître comme un montage (bouts de théories monétaires, « copié collé » de critiques économiques et sociales, etc.), sauf que Pound souligne l’œuvre des Pères fondateurs de la démocratie américaine. Il expliquera plus tard : « le seul programme auquel j’aie jamais souscrit était John Adams et la Constitution »4. Et il aura voulu écrire un Paradis. Efforts emportés avec le vent :

I have tried to write Paradise

Do not move
Let the wind speak
that is paradise.

(Canto CXX, en esquisse)

Un demi-siècle auparavant, en 1912, il avait fait paraître dans un mensuel new-yorkais un long article, The Wisdom of Poetry5, où il tentait, comme en de nombreuses autres occasions, d’affirmer une légitimité de la poésie : « Dans les siècles passés, écrit-il, l’utilité des poètes était reconnue par la communauté. » Il pose la question : Au-delà de situations conjoncturelles ou obsolètes, ne peut-on pas encore penser qu’il y a une fonction sociale du poète qui perdure ? Je vais vous apporter des réponses « scientifiques » promet-il. Son argumentation esquissera, in fine, une comparaison avec le travail du mathématicien pour ce que l’un et l’autre, mathématicien et poète, contemplent l’entièreté du cercle (contemplation of the circle absolute) et s’attachent à formuler sa loi.

*

La relation qu’entretient Pound à sa page de frappe (une photographie le montre penché sur la vieille « Remington » dans l’infirmerie du camp de Pise) est une relation singulièrement amoureuse. Site de dépense, le tapuscrit l’est aussi de conservation : conservation des « sceaux » (caractères chinois, extraits de la Constitution américaine, sentences grecques et latines). Fourre-tout qui lui chante, il y traque la « frappe heureuse », chanceuse… de toutes les langues qui dans leur convocation tentent de posséder leur vérité renaissante ou d’atteindre la cible. Il cueille les anges qui passent entre l’air et le papier, il les retient dans la dictée. Loin d’y être objet esthétique ou recueil de plus-value, le poème y est sacrifice : sacrifice de richesses collectées, de beautés les plus dignes d’amour, de souvenirs secrètement entretenus. Sacrifier ce que l’on aime (« ce que tu aimes bien demeure / tout le reste est déchet ») est en quelque sorte sceller sa propre demeure6.

Le Canto LXXVII, qui appartient aux « Cantos pisans », marque grosso modo le milieu de l’ensemble collecté des CANTOS (en fait, cent neuf seront « achevés »). Le Canto LXXVII est ponctué de caractères chinois dont le premier signifie « milieu » et le dernier « perfection » ou « en pleine lumière » (ch’êng, que Pound interprétera par sincérité, « sincérité poétique »7). « Zagreus », l’un des noms de Dionysos, est deux fois évoqué aux dernières lignes du poème : les « cornes d’abondance »  demeurent sollicitées en dépit de la situation de disette morale :

« Qu’il est doux le vent sous Taishan
où la mer est tirée de l’oubli
hors de l’enfer, de l’abîme
hors de la poussière et de l’éclat du mal
Zephyrus / Apeliota
…/…
Ce qui luit et puis ne reluit plus
quand la feuille tourne dans l’air
Boreas Apeliota libeccio »

Les vents tournent comme le sens des événements mais celui qui écrit est accompagné des dieux, et par exemple de Dionysos, qui soudain réapparaîtra encore, sous son épithète de DIGONOS. Le Canto CVI verra dans la mer revenir Aphrodite sous l’une de ses épithètes, EUPLOIA, glissant avec l’écume au ressac. Dans le Canto CXIII ce sera Artémis. En fait les dieux et déesses n’ont pas à revenir, « l’air tremble de leur présence ». Ils sont entendus sans rupture, en parallèle des faits politiques et économiques,

« De grâce un peu de magnanimité
Et faisons la différence entre une contribution proportionnelle
Et une taxe fixe »

Les fruits se développent autour d’un « noyau » et sans contrariété de la loi naturelle, car « il y a quelque chose d’intelligent dans le noyau de cerise », there is something intelligent in the cherry-stone8.

 

Printemps, automne

« Si l’on ne lie en gerbe les faits
Si l’on n’engrange dans le cœur
tout dépérit »

Canto LXXXIII


Sur une page constellée d’idéogrammes affichant les sentences de la sagesse confucéenne, la déesse Déméter s’associait à l’Eros :

« Ainsi baisée la terre après avoir dormi sur le béton

bel seno Demeter copulatrix
ton sillon »

(Canto LXXVII)

Déméter, déesse des moissons, malheureuse mère de Perséphone qui partage le monde souterrain et celui des vivants, apparaîtra encore au Canto CVI :

«  Sa fille était-elle donc ainsi –
Œil, chevelure,
Du noir de la robe de Déméter
Donnée de Dis, Reine sur Phégléton,
ses filles évaporées ? »
[…]

So slow is the rose to open
A match flares in the eye’s hearth
the darkness

« Si lente est la rose à s’ouvrir
Une simple allumette flamme dans l’âtre l’œil

                       l’obscurité »

Ezra toujours se souviendra des Vénitiennes en châles noirs portant le deuil de Déméter à la fin de l’automne et jusqu’au retour du printemps. Il se rappelle la déesse grecque même lorsqu’il est prisonnier à Pise, au pied du « Mont Taishan ». Entre deux averses, les Vénitiennes, le jeune poète les avait croisées dès son arrivée en Europe, et leurs élégantes parures vont prendre, dans leur tombée, la relève de l’émotion érotique :

«  à Venise

                 De mon temps
Mon jeune temps
Quel homme il fut donc pour œuvrer et aimer »

Et :

« vos yeux sont comme les nuages sur Taishan
Quand un peu de pluie est tombé
Et qu’il en reste encore autant à tomber »

Le poème est-il savant ? Il est, en fait, une chronique, un bào (un ri-bào9), un manifeste, le livre de compte des récoltes sensuelles, la livraison de ce qui fut dans le corps engrangé, du printemps pour l’hiver :                                                                  

Over water bluer than midnight
Where the winter olive is taken
Here are earth’s breasts mirrored
& all the Euridices

« Sur une eau plus bleue que minuit
Où l’olive est cueillie l’hiver
Voici en miroir les seins de la Terre
& toutes les Eurydices »

(Canto CX)

Un groupe de trois caractères chinois composait le sceau dont Ezra Pound cachetait à l’encre rouge ses lettres et documents les plus précieux. Le sens de ces trois caractères archaïques est approximativement celui-ci : préserver la pensée qui sourd du cœur, conserver sa forme dans le courant qui l’emporte. Les dernières années, regard vers la fine coupole, Ezra Pound éprouvera que ce n’est pas le soleil qui fait girouette mais l’esprit qui tourne, tel Ixion « l’esprit jamais en paix », révisant ses Notes, en apparence incohérentes, mais au fond cohérentes – et « coupables » pour ce qu’il a de trop près fréquenté les déesses, avec sa manie de fourre-tout. Nages, seins pointés ou de marbre, cerise, soleil, moissons, pluie, vents sont du procès.




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Ezra Pound
Posthumous Cantos
Edited by Massimo Bacigalupo
Carcanet Press, 2015
couverture

A.D. Moody
Ezra Pound: Poet vol. III
Oxford University Press, 2015

couverture

1. Les trois premiers Cantos sont en janvier 1917 envoyés à la revue Poetry puis bientôt remis en chantier to stuff all its thought in, « pour y fourrer toute sa pensée », toute la pensée du poème. Cf. A.D. Moody, Ezra Pound: Poet, Volume I, Oxford University Press, 2007, p. 306-309.

2. Les citations des CANTOS dans leur langue originale sont extraites de l’édition Faber & Faber, 1974. Les traductions en français sont miennes ; le lecteur trouvera celles de Denis Roche, Yves di Manno, Philippe Mikriammos et Jacques Darras dans le volume publié chez Flammarion (2013).

3. Posthumous Cantos, édités par Massimo Bacigalupo, Carcanet Press, 2015.

4. Cf. A.D. Moody, Op. cit. Volume III, 2015, p.323. Pound s’est en effet employé à ce que l’on puisse à nouveau trouver en librairie les écrits du « père » de la Constitution américaine, devenus… inaccessibles.

5. The Wisdom of Poetry, in Early Writings, Penguin Books, 2005. Pages 190-194.

6. à l’origine, paradis signifiait « espace clos ».

7. Rappelons que, pour E. Pound, la sincérité (la sincérité poétique) est la vertu, ou chance, qui transcende toutes les autres. L’instantané d’histoire que forme le sinogramme Ch’eng sert ici tout particulièrement son intention. Dans un idéogramme complexe, le poète voit l’assemblage de rai de soleil + cible + perfection ; il y appose le caractère « parole » pour justifier sa conception personnelle de l’étymologie de « sincérité ». Il voit dans « la lance du soleil venant à se poser au point précis, verbalement » l’image de l’honnêteté, de la précision, de l’expression parfaite. Par « compound » de significations, dirons-nous. (V. Claude Minière, Pound caractère chinois, éd. Gallimard « L’Infini », 2006.).

8. Selon A. D. Moody (op. cit.), cherry-stone rimerait avec Li Sao, Li Sao, for sorrow, « rencontre de la tristesse », titre d’un poème du IVe siècle av. J-C.

9. Le caractère jih, ou ri, associé à bào (chronique) forme ri-bào, « le journal, le quotidien ».