Ainsi parlait Emily Dickinson

 
par Franck C. Yeznikian

L’entreprise de cette sixième publication aux éditions Arfuyen de la belle collection au titre de l’effigie nietzschéenne offre un carnet composé de trois sources de cette reine recluse que fut Emily Dickinson. Paul Decottignies a choisi ici d’offrir un florilège où fragments, lettres se croisent avec certains poèmes, le tout respectant la flèche du temps. Cette réunion montre à quel point Dickinson fut la stupéfiante observatrice du moindre mouvement des choses et des roses, et qu’elle n’a pas vécu autrement qu’en poète à travers les traces qui nous sont parvenues. Sans chercher ce titre de son vivant, elle l’aura poussé à l’intérieur de ces moindres mouvements. Sa fragilité côtoie cette sève ramassée parfois si volcaniquement acerbe mais justifiée devant cette totalité qu’elle fut à même de consigner dans le mouvement d’une circumference1 devant l’abeille et la tige d’une herbe. Il n’y a de place que pour l’essentiel à travers cette miniature qui s’avance en elle, avec un absolu de plus en plus ciselé, tel qu’on la retrouve exprimée et visible chez un Robert Walser2. Quelques regrets cependant dans cette édition : le fait que des poèmes ont été amputés sans avertissement aucun, comme celui portant le numéro 341 « To know the worst, leaves no dread more – » (« Connaître le pire fait disparaître la peur – ») qui provient d’un poème comptant 23 autres vers ! Certes si la forme fragmentaire l’emporte majoritairement à travers l’œuvre poétique, cela ne permet pas pour autant de donner le poème ainsi. Certaines coquilles également sont à déplorer : ce qui aurait fait crisser les veines de cristal de la Demoiselle en blanc qui, selon un dire, rendait folle le fait qu’un signe de ponctuation n’ait pas été respecté dans l’un des quelques poèmes qu’elle a laissé sortir à travers le vitrage de sa fenêtre. Ce recueil donne une idée concise qui peut tenir dans certaines poches, mais il faut se rendre à l’édition complète traduite par Françoise Delphy ainsi qu’aux traductions livrées par Claire Malraux, sans oublier celles du poète Philippe Denis.

 




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Dits et maximes de vie
Choisis et traduit de l’américain par Paul Decottignies
Édition bilingue
Arfuyen
152 p., 13,00 €
couverture

1. « la circonférence est mon affaire », lettre à T. W. Higginson, juillet 1862.

2. Pencil Sketches: Dickinson / Walser, Drawing Center, 2014.