Philippe Jaccottet : Un calme feu / Tout n’est pas dit

 
par Monique Petillon

« Asie ! / Et les yeux éblouis, je cherchai / Un lieu que je connusse, car ces larges avenues / M’étaient chose nouvelle, par où descend / Du Tmolus le Pactole tout paré d’or, / Où se dressent le Taurus et le Messogis, / Où gorgé de fleurs, le jardin flamboie, / Un calme feu !... »
C’est de ce fragment de Patmos de Hölderlin, dans la traduction de Gustave Roud, que Philippe Jaccottet a tiré le titre d’un carnet « Liban-Syrie-Liban automne 2004 » – un bref voyage à l’occasion de lectures de poésie. S’il l’a publié non sans hésitation en 2007, précédé de deux pages « en guise d’avertissement », c’est pour ne pas « ajouter au désespoir vers lequel presque tout, aujourd’hui, nous entraîne » mais plutôt rappeler l’amitié et la générosité de ses hôtes – lecteurs de Rilke – et évoquer par bribes le chant de quelques grands poètes. À nouveau Hölderlin dont il associe le célèbre Chant du destin, chanté par Hyperion, à la lumière de Palmyre. Mais aussi la « prose électrisante » du Voyage en Arménie de Mandelstam, traduit par André du Bouchet.
Faisant la part belle aux poètes originaires du Moyen-Orient, il cite de magnifiques poèmes de Georges Schéhadé (dans Le nageur d’un seul amour, Gallimard 1985), de Salah Stétié (dans L’autre côté brûlé du très pur Gallimard 1992), d’Adonis (dans Mémoire du vent Gallimard 1991, traduction d’Anne Wade Minkowski), enfin de Mahmoud Darwich (dans La terre nous est étroite, Gallimard 2000, traduction d’Elias Sanbar). Un splendide florilège qui rappelle que « toutes sortes de formes de beauté persévèrent », et indique le sens profond de ce voyage tout intérieur.
C’est aussi une « Grèce intérieure » qu’évoque le dernier texte de Tout n’est pas dit : réédition de billets donnés par Philippe Jaccottet, de 1956 à 1964, à la Feuille d’avis de la Béroche – petit journal de Saint-Aubin, dans le canton de Neuchâtel – qu’imprimait Louis Haesler, le beau-père de Jaccottet, dont la fin douloureuse est évoquée dans les bouleversantes Leçons. Outre des évocations de paysages, le recueil contient de très beaux textes sur Gustave Roud et Marcel Arland. D’autres relatent la découverte émerveillée du haïku et affirment l’admiration pour Hölderlin, « le plus noble poète européen », dont Jaccottet allait diriger, en 1967, l’édition des œuvres dans « La Pléiade ».




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Un calme feu
Fata Morgana
96 p., 17,00 €
couverture
Tout n’est pas dit
Billets pour la Béroche 1956-1964
Le Temps qu’il fait
144 p. 10,00 €
couverture