Marina Tsvetaeva : Poésie lyrique / Les Poésies d’amour

 
par Isabelle Baladine Howald

Marina Tsvetaeva : « la fratrie des ailes »

Les éditions des Syrtes, poursuivant leur remarquable travail sur le fonds Tsvetaeva, viennent de faire paraître deux volumes (sous le titre générique de Poèmes lyriques), les Poèmes de Russie (1912-1920) et les Poèmes de maturité (1921-1941), soit jusqu’au suicide de Marina Tsvetaeva. Le tout est traduit, préfacé et annoté par Véronique Lossky, avec des postfaces éclairantes de Georges Nivat pour le premier volume et de Tatiana Victoroff pour le second volume. La plupart des poèmes sont inédits. La traduction de Véronique Lossky, dont l’excellence est soulignée avec force exemples par Tatiana Victoroff, s’attache à souligner l’importance du son dans la poésie de Tsvetaeva, nécessitant une mélange de création et d’interprétation d’une grande subtilité. Intention et intonation, rendues si différemment en russe et en français, trouvent ici leur écho de justesse. Et pour avoir entendu de vive voix la lecture de quelques poèmes en russe et en français, on retrouve exactement le son nécessaire dans les deux langues.
Indissociable de l’histoire de la Russie, la poésie de Tsvetaeva supportera tous les drames de sa vie personnelle et tous les élans de sa grande vie amoureuse. Les styles sont très différents dans le premier et le second volume. Tout d’abord fluide et plein de douceur lorsqu’elle évoque son enfance, le vers tsvetaevien évolue vers sa sonorité hachée, son chant plus heurté, son lyrisme puissant et ses thèmes beaucoup plus douloureux, plus métaphysique aussi. Qu’ils soient sur l’amour, ou bien odes aux écrivains qu’elle aime (Mandelstam, Ehrenbourg, Blok, Rilke), mais aussi adresse constante au lecteur qu’elle n’oublie jamais, les poèmes de Tsvetaeva sont également nourris de sa profonde culture, de par son intérêt pour la mythologie grecque et de sa curiosité pour les poésies étrangères. (Elle est par ailleurs une traductrice confirmée.) Cette édition s’avère centrale et indispensable pour le lecteur de cette magnifique poétesse.

Parallèlement sort chez Circé Les Poésies d’amour de Tsvetaeva, choisies, traduites et présentées par Henri Abril. Cette amoureuse de l’absolu, ne pouvait supporter que l’idéal, ce qui l’a menée bien souvent à la rupture, ce qu’Abril rend par une prosodie particulière. « L’étreinte de poésie » mène à la mort, car sans amour, pas de poème. Elle aima des femmes et des hommes, n’eut pas toujours de relation charnelle avec eux, plaçant l’amour quelque part dans le ciel plutôt que dans le corps, cette « pansexualité » comme dit Henri Abril comprenait la vie en général. Là aussi au fil du volume le style évolue, fluide et plus classique au début pour finir avec cette syntaxe typiquement tsvetaevienne à la fin. Marina dans sa brève vie aima plus que de raison et de cela : « un poème va naître ! ».




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Poésie lyrique
1912-1941
Traduction et préface par Véronique Lossky
Postfaces de Georges Nivat et Tatiana Victoroff
Édition bilingue
Éditions des Syrtes
2 volumes
1732 p. au total, 40,00 €
couverture
Les Poésies d’amour
Choisies, traduites et présentées par Henri Abril
Circé
144 p., 13,00 €
couverture