Patrice Luchet : Le Sort du parasol

 
par Jean-Pierre Bobillot

D’emblée, ces sonnets – ce sont des sonnets1 –, imprimés à la verticale aux seules pages impaires, frappent par l’inégalité de leurs vers, volontiers très longs, ou très courts, et le mode de numérotation de ceux-ci, à la marge de gauche : 2 chiffres + la lettre h + 2 chiffres forment une indication horaire concernant, selon toute plausibilité, le contenu référentiel du vers qui la suit, et ainsi de suite – les 4 vers du 1er quatrain se voyant attribuer la même indication temporelle2, les 4 du 2e quatrain la même + 1 minute, et ainsi de suite pour les 3 vers de chaque tercet : chaque sonnet résumant donc 4 minutes successives, jamais dans la continuité temporelle du précédent ou du suivant, l’ensemble couvrant une journée d’été, comme le suggère le titre.
Banale journée de loisirs au bord de la mer : familles, jeune couple, bande d’amis, feu d’artifice, soirée anniversaire ; routine et petits événements plus ou moins futiles, ou troublants, sans plus ; réflexions amusées ou piquantes, voire mordantes, vite oubliées : les secondes se bousculent, les minutes, écume, même si le temps semble immobile. Sous l’anodin, parfois, pointe le métaphysique : « 08h04 le plein pour s’effacer », « 10h02 conserver le sensible »…




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série discrète
56 p., prix non indiqué
couverture

1. Voir Tristan Corbière, « I Sonnet / avec la manière de s’en servir » dans Les Amours jaunes. C’est dire, ici, que la vieille « forme [prétendue] fixe » est à la fois explicitement, et visuellement, assumée, explorée dans ses potentialités créatrices, et bousculée, littéralement retournée, étirée, compressée, etc. La première fois que je l’ai rencontré (Patrice, pas Tristan !) – c’était, il y a bien longtemps, lors d’une des premières interventions publiques de boXon, sur la Croix-Rousse, à Lyon –, il avait donné une très surprenante « performance » – c’était, sans doute, une de ses toutes premières – en forme de… leçon sur le sonnet : c’est dire s’il a de la suite dans les idées !

2. Les secondes n’y sont pas mentionnées : du point de vue référentiel, chaque strophe peut s’entendre successivement ou simultanément