Sereine Berlottier : Louis sous la terre

 
par Sylvie Durbec

D’emblée le titre place le lecteur face à un tombeau. Celui de l’artiste suisse Louis Soutter. Pour Sereine Berlottier, comprendre l’œuvre se fait en écrivant comme Soutter a vécu, entre destruction et création, entre marge et pleine page.
« Qu’il neige donc tandis que vers les os vivants de Louis Soutter, je me penche. » Tout le livre dit cette tension entre la vie et la mort qui fait de Berlottier celle qui va permettre aux os de Soutter (comme les titres donnés à ses œuvres) de donner vie à une autre œuvre, Louis sous la terre, long poème narratif. Loin d’enterrer Louis, Berlottier le ranime, en écrivant une longue adresse à un ostracisé du monde des vivants, relégué à l’âge de 52 ans à l’asile de vieillards de Ballaigues. Elle ne cesse de lui parler : « Nous sommes en 1923, tu as cinquante-deux ans, tu montes les marches sans regarder les visages, tu te tiens droit, tu ne veux pas te sentir vaincu (…) » Sereine Berlottier évite le piège de la biographie pour construire un récit croisant les œuvres graphiques de Soutter et son propre travail d’écriture, s’adressant à lui comme à un double douloureux dont elle sait la détresse et la singularité inscrite dans un travail graphique hors du commun. Se servant des titres de ses dessins comme Les bois où les fous dociles ne sortent jamais, ou Le soleil de la peur, Berlottier dit le mauvais conte de fées qu’a vécu Louis, artiste frère dont l’œuvre dédaigné a eu une reconnaissance tardive. La docilité douloureuse de Louis, sa marginalité, Berlottier en fait une clé pour dire notre commun destin.

« Peut-être qu’on peint, encore, une dernière fois.
Vers un effacement suspendu, l’avancée lente d’une

                                                                  [dispersion. »

Parce que comme elle l’écrit :

« … chacun porte la nuit dans son corps… »
Entre la vie, la mort.



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Argol
112 p., 18,00 €
couverture