Alain Veinstein : Les Ravisseurs

 
par Jean-Jacques Bretou

Il est des livres qui, comme des phares dans la nuit, guident notre chemin. Ils nous permettent, alors qu’égarés nous tâtonnons, de nous reconnaître et de continuer d’avancer. Ils sont toujours là et, rassurantes balises, nous tiennent en éveil. On peut sans relâche les questionner, ils ont l’amitié de nous confier leur part de vérité. Et leur lecture toujours vivifiante nous emporte encore plus loin. L’auteur a choisi de les appeler les ravisseurs. Alain Veinstein, homme de radio, fit longtemps œuvre de critique. Lecteur infatigable pratiquant la maïeutique il dut en vingt-neuf ans se pencher sur près de 8000 livres. Mais il est tout d’abord et avant tout poète. Et, dans Les Ravisseurs, il nous parle, autre façon d’interroger les livres et leur créateur, de seize auteurs qui écrivirent des choses qui lui ravirent le cœur. Alain Veinstein remonte le temps jusqu’à sa rencontre avec Yves Bonnefoy qui lui fit connaître les poètes de l’Éphémère. Il consacre à chacun d’entre eux de belles pages, dans un style simple. Ainsi écrit-il à propos de la poésie de l’auteur de Du mouvement et de l’immobilité de Douve : « c’est la parole élevée au niveau du chant ». Ses mots ne sont pas moindres quand il cite Dans la chaleur vacante d’André du Bouchet : « illumination me vient aussitôt à l’esprit ». Lorsqu’il cite Jacques Dupin : « À bout de force une parole nue », ou Louis-René des Forêts : « Dans la brusque déchirure d’une éclaircie », on sent plus que de l’admiration : l’Amitié, chère à Maurice Blanchot qu’il cite dans sa préface. Cette amitié est encore là lorsqu’il parle de Pascal Quignard, auteur charnière, auteur à part qui publia à la fois dans l’Éphémère et au Collet de Buffle avec une toute nouvelle génération de poètes. Pascal Quignard disant à propos de Claude Royet-Journoud : Dès que j’ai connu Claude Royet-Journoud je l’ai aimé et en écho Alain Veinstein écrivant : Dès que j’ai connu Claude Royet-Journoud, j’ai voulu écrire. Des autres ravisseurs et de leurs livres Alain Veinstein ne parle pas avec moins d’amour. Qu’il s’agisse d’Henri Thomas, de Jacqueline Risset, de Michel Deguy, de Roger Laporte ou du très touchant Jean Tortel. À son propos d’ailleurs, il rapporte par écrit une très belle interview volée. Il termine son livre avec les surprenants Michel Cournot, Antonio Tabucchi, Danièle Mémoire et Florence Aubenas. À lire bien sûr et à laisser traîner entre les mains des non initiés.




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Grasset
286 p., 19,00 €
couverture