Claude Louis-Combet : Rue de la Solitude – Landier / Dichotomies / De l’intériorité, écrire

 
par Florence Andoka

Claude Louis-Combet livre dans Rue de la Solitude – Landier, une longue rêverie sur les peintures de l’artiste comme sur sa vie. Les peintures de jeunesse d’Henri Landier sont obscures. La série de reproductions à la fin de l’ouvrage révèle l’empâtement de la matière picturale dans laquelle se fraye le geste qui sculpte les visages émaciés et olivâtres, les architectures de la butte Montmartre crayeuses et fantomatiques. Le jeune peintre habitait le quartier, y vivait modestement, pourtant ses toiles ne tiennent pas du naturalisme, l’œil ne se repaît pas d’une misère dont il s’échinerait à relever les détails. Le regard du peintre est pris dans la gangue du réel, tourmenté par la vulnérabilité adolescente de celui qui entre dans le monde. Hostilité du réel chaotique, difficulté de la nuit, Claude Louis-Combet a trouvé dans les images intérieures de l’artiste, un écho aux thèmes qui parcourent son œuvre, dont le texte de Dichotomies montre l’importance.

Publié aux éditions Æncrages & Co, Dichotomies se compose d’un texte de Claude Louis-Combet et des écrits et peintures de Jean-Claude Terrier. La dichotomie, le schisme, la schize traversent l’écriture de Claude Louis-Combet depuis ses premiers ouvrages et notamment Marinus et Marina, grande œuvre de 1979. C’est le passage de l’Un au Deux et son chemin contraire, qui animent le poète. L’œuvre de Louis-Combet est transgressive, non seulement parce qu’elle se tisse le plus souvent dans les tabous de l’inceste, du viol, du sacrifice humain, mais encore et surtout parce que ces expériences-limites récurrentes visent un dépassement, celui du réel ordinaire, de son immanence, de sa violence. Transgresser la loi, c’est rechercher le temps qui la précède, celui de l’unité, de la fusion avec la mère, de l’absence de langage, de dieu et de l’éternité. Si toute dualité est une perdition, l’écriture vient de la chute, doit dire la chute, celle du monde et de ses créatures abandonnées par Dieu et divisées en deux sexes pour mieux parachever leur isolement. Mais l’écriture est nostalgique de la foi, elle est surtout un moyen de renouer avec l’éternité primordiale. L’amour, comme désir d’unité, clôt le texte de Claude Louis-Combet en écho aux fractures profondes des peintures de Jean-Claude Terrier.

En ce sens l’écriture est érotique, elle relève pour Claude Louis-Combet d’un désir et porte le souffle venu de l’intérieur. Dans De l’intériorité, écrire, le poète, sollicité par Aude Bonord, maître de conférence à l’Université d’Orléans, analyse le rapport entre écriture et vie intérieure. Cet essai permet non seulement à Claude Louis-Combet d’éclairer sa pratique poétique mais aussi d’esquisser des pans d’histoire littéraire. Ainsi l’auteur distingue deux types d’écriture de l’intériorité, l’une avec Dieu et l’autre très présente au XXe siècle où l’homme est aux prises avec l’existence seule.




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Rue de la Solitude – Landier
L’Atelier du Grand Tétras
80 p., 17,00 €
couverture
Dichotomies
Peintures de Jean-Claude Terrier
Æncrages & Co
64 p., 18,00 €
couverture
De l’intériorité, écrire
Jérôme Millon
124 p., 17,00 €
couverture