Norma Cole : Avis de faits et de méfaits

 
par Claudine Galea

Enfin nous pouvons lire Norma Cole en français. Jean Daive, poète et traducteur, réunit deux livres de cette écrivain, peintre et traductrice dans un volume bilingue chez José Corti, 14 000 Facts et More Facts, qu’il traduit par Avis de faits et de méfaits.
Textes brefs formant une suite (non pas une histoire), fragments ou plutôt tessons. Tessons découpés dans une langue que l’obscurité menace à chaque instant de remplir. La poésie ouvre de brefs pans de lumière qui ne peuvent plus être recouverts. D’où, à la lecture, le sentiment d’urgence de saisir ce qui est dit comme on toucherait un corps. Le sens se dérobe souvent, les ellipses forment des éclipses, mais il se produit une brûlure à partir de laquelle on a l’élan de vivre, malgré tout.
La place des mots et des blancs est elle-même bousculée, indiquant que certains mots glissent d’un pan à l’autre. Il n’y a pas de « terre vaine » ni de terre ferme. Le monde est poreux. « La grille ne sépare pas le jour et la nuit ». Les pages se tournent, le récit s’interrompt toujours et ne finit jamais.
Tentative de dire du monde, pas « le » monde, dire l’appréhension que nous en avons, « imaginer ne pas ». La poésie n’est pas fiction, elle n’articule pas de logique, encore moins de fable, elle est trouée, appel, blessure, incomplétude, échec. « À ce jour / 80% des gens / se sont manqués. »
Durant la lecture, j’ai en tête le choix de Jean Daive de traduire « other facts » par « méfaits ». Je retourne au dictionnaire : « Action nuisible, acte criminel, résultat désastreux ». C’est ce dernier sens qui ouvre un territoire : Norma Cole choisit d’arpenter, de traduire l’errance, l’interrogation, la dévastation, tout ce qui fait qu’on est mû, « ému à / parler, tu as parlé. »




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Présenté et traduit par Jean Daive
José Corti
« série américaine »
160 p., 17,00 €
couverture