Emmanuel Laugier : Crâniennes

 
par Etienne Faure

Crâniennes, le dernier recueil d’Emmanuel Laugier, a la brièveté des titres qui ont la préférence de l’auteur de L’œil bande ; Son / corps / flottant ; Vertébral ; Portrait de têtes ; For ; Ltmw… Du corps et de la tête E. Laugier est un habitué, qui nous livre ici en un seul compartiment des textes de gabarits variables. Au féminin et pluriel surgissent les boîtes de même fonction, enserrant le système nerveux central  : « Crâniennes est / habitacle : / infracassable ».  « Lieu  supposé » d’où vient le poème, le voici au carrefour de tous les flux : « tout vient aux crâniennes » ; « tout cela / cela qui tient lieu de tête ». C’est massivement la mémoire qui ne cesse de transiter, ressortir, revenir de ce « bol de mémoire » dans un « hémisphérique mouvement ». Mais le flux peut s’inverser et le poème parler « à partir de » (photographies de Ph. Décamps) ou « vers » (Hopkins) : « crâniennes est réversibles / tout est là ». Le recours soutenu au présent renforce la présence des choses, entrecoupé d’un futur, quelques imparfaits où entrent les souvenirs : « j’accrochais je tenais / des chichis en cerceau à la main loin dans le maroc ». Parfois la temporalité hésite, balance entre deux angles : « avec ça qu’il / faut (faudra) / bien passer de l’autre côté » ou « au terme de ce qu’il ne nous a pas dit / aura bien avait – aura dit ». Des textes maigres quelquefois, jusqu’au démantèlement, au bord de la vertébrale verticalité, où le mot est réduit à son os : « inajustable / tjrs ». Le corps, présent, y reste en fragments : « tête, cœur, main, dos, oreille, tympan, veines, dents, doigts, yeux, poitrail, poignet, torse, côtes, langue, tibia, bras, jambe, hanche, souffle… » Sans cesse l’écriture – réversible – cherche à tâtons, à l’aveugle, dirait-on : « crâniennes sont ainsi / un jour elles perdent dans un seau d’eau noire / la main pure qu’elles cherchent » ; « et ce que je cherche avec les mains / est ce que je dis ». Plus que de boîtes c’est donc d’un flux qu’on ressort, capté – comme on dit j’étais dans mes pensées – par une écriture d’extrême énergie.




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Argol
120 p., 16,00 €
couverture