3 femmes 3 poètes

 
par Létitia Mouze

Qu’il s’agisse du néant redouté (« Hélas ! je n’étais pas faite pour être morte… ») de la païenne Anna de Noailles, amoureuse de la nature, de « la terre, ivre de couleurs », des « soirs percés de vives étoiles », intensément vivante et ardemment désireuse de savourer jusqu’à la lie les tourments de l’existence (« Ah ! goûter tout ce qui me tourmente ! ») et de l’« âpre amour », aux vers réguliers, lyriques, expansifs, volontiers exclamatifs ou interrogatifs ; qu’il s’agisse de l’au-delà resplendissant chanté par la religieuse Hildegarde de Bingen dans les louanges qu’elle adresse à Dieu le « noble père », « pour que [son] nom, en nous, ne perde pas son éclat », à Marie, cette femme qui effaça « le mal qui découla de la femme », et fut la « lumineuse Mère / De la sainte médecine » qui « [a] répandu / Un baume / Sur les douloureuses plaies de la mort », aux Saints (« Tu as vendu le monde / Pour la vie lumineuse »), en des vers ardents, baignés de lumière et d’éclat, de fleurs, de fruits, de parfums ; qu’il s’agisse du seul refuge, de la seule paix possible (« Tu es la plus calme nuit / Tu es le plus sûr abri ») pour la recluse que fut Emily Dickinson, amoureuse absolue (« Prouve-le moi / Que Lui – a aimé les hommes / – Comme moi – je t’aime »), solitaire exploratrice de la perte et de la douleur que « le temps jamais n’a guéri », réclamant « le privilège de mourir » car « Ce n’est pas la Mort qui fait si mal / – Mais la Vie – qui fait plus mal », en des poèmes brefs aussi simples que singuliers, hachés menus par le souffle et la parole retenus, comme autant d’épitaphes ; – la Mort est, avec l’amour à lui indissolublement lié, le thème commun, décliné de différentes manières, à ces trois poétesses majeures n’appartenant à aucune école. Trois recueils bilingues, deux de morceaux choisis, le troisième présentant l’œuvre complète de Hildegarde de Bingen, permettent de redécouvrir leurs univers singuliers et incommensurables de femmes poètes dans un monde culturel dominé par les hommes.




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La Différence
« Orphée »
380 p., 17,00 €
couverture