Sophie Loizeau : Lys

 
par Yves Boudier

Avec Le roman de Diane (Rehauts 2013), sans quitter l’attache thématique de ce texte en prose avec sa pratique du poème, Sophie Loizeau avait dessiné un nouvel espace où poursuivre une œuvre marquée par sa quête d’une voie féminine autre, tant dans un discret mais notable déplacement de la syntaxe ordinaire que dans les marquages normatifs du genre qu’impose notre grammaire. Ainsi, avait-elle accompli, saisie d’une belle volonté, un pas vers « son » roman, proposant une prose oblative, hors conflit ou rupture radicale avec le poème. Aujourd’hui Lys se présente comme le récit éponyme d’un personnage au féminin, une figure en proie à un constant questionnement des effets de la capture par l’écriture de l’altérité du quotidien aussi bien que de sa banalité. Une voie émancipée apparaît, « seule à écrire dans le plein air de la mer et de la nuit ». L’extrait publié ici restitue et interroge les quelques heures d’un séjour retour en bord de mer, « une onde froide qui remonte », espace métaphore où finissent et recommencent le partage et l’industrie que notre société impose à un lieu naturel, le rivage, l’estran, où blesse une coupure sans appel, la rupture tranchante que le train constant des marées répète dans un paradoxal silence bruyant, « liséré blanc des vagues qui maintenant l’emporte sur le reste ». Tels les entrelacs et replis des deux dessins de Bernard Noël, l’un en couverture, l’autre glissé à la presque fin du livre, la phrase haletante de Sophie Loizeau se tourne et se retourne sur elle-même, non pas dans un jeu d’écriture où le seul plaisir formel l’emporterait, mais davantage dans le mime écrit d’un corps décrit à l’écoute des mouvements capables à la fois de faire image romanesque et d’apparaître comme indéfectiblement liés aux vertus d’une prose inventive plus encore en miroir de soi, de Lys et du monde.




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Fissile
« maigre »
16 p., 5,00 €
couverture