Par Emmanuèle Jawad
Dans un enfermement autant physique que psychique du narrateur et l’examen des frontières d’un dedans / dehors, On sait l’autre s’apparente à un récit dans lequel l’autre, intrinsèque, dans son intrusion, rejoint l’exploration intérieure brutale des sensations et des émotions. Le traitement de la langue, dans son agencement de procédés d’expérimentation, s’inscrit dans une démarche et des préoccupations d’écriture poétique contemporaine à laquelle l’auteur rend hommage dans son livre. La construction du récit s’élabore autour de l’usage quasiment exclusif du pronom indéfini « on », par réitération de motifs, de certains segments de phrases et de l’usage, dans un fonctionnement inhabituel, de la ponctuation, en particulier les deux points mis à la coupure d’une même proposition. Dans un registre lexical simple, l’élaboration de phrases courtes, en lien avec l’oralité et en prise avec un environnement quotidien de gestes et de sensations, les recherches formelles s’organisent autour de créations lexicales1, d’invention de formes pronominales, de jeux phoniques et de personnification, donnant toute leur singularité à la narration. Dans l’imbrication d’un texte à deux voix, Bel échec, écrit en collaboration avec Jean-Christophe Belleveaux, questionne l’articulation des écritures dans le corps du poème. Vingt poèmes structurent l’ensemble coupé dans sa partie centrale par des images de Elice Meng – images pouvant se rapporter à des négatifs de photographies ou encore images radiographiques d’un corps animal faisant lien avec le texte2. Une partie des poèmes est raturée, ce marquage formel et graphique mettant en évidence des différenciations dans les écritures, soulignant leurs rapports, liens et écarts. La numérotation des poèmes également répartie, en alternance, sous la rature. Les vers raturés se suivent, selon, s’intercalent ou s’espacent, laissant les écritures se télescoper dans l’unité du poème, multipliant les sens de lecture.
1. « Nos os : qui se croustillent, en rhumatismes » p. 9
2. corps qui pourrait être celui d’un oiseau vu par parties (face, profil, en coupe) / faisant face au vers « tenir, tomber, tenir dans l’envol (…) ».