Friedrich Hölderlin : Chants de la terre natale

 
Par Agnès Baillieu

Retour. Hölderlin commence à traduire Pindare en 1800. En 1802, après quelques mois à Bordeaux, il rentre en Allemagne. Les Chants de la terre natale datent des années 1801-1806 – leur titre n’étant pas dû à Hölderlin mais à N. von Hellingrath, grand éditeur du poète et proche de Stefan George, dont Ludwig Lehnen est spécialiste. « Natal(e) », qui traduit vaterländisch, s’applique à l’Allemagne et à l’Hespérie, l’Europe occidentale où il faut faire retour, la Grèce se caractérisant alors comme orientale. De fait, le motif « patriotique » apparaît dès 1797, sans qu’il s’agisse de patriotisme héroïque ou républicain : « Je crois à une révolution des esprits et des modes de penser qui fera rougir de honte tout ce qui existe à ce jour. » Après l’éloge du passé de la Grèce, l’éloge de l’Allemagne, comme s’il fallait qu’Hölderlin se protège du « feu du ciel » oriental, et Ludwig Lehnen souligne dans une introduction très riche ce principe esthétique d’autoconservation et d’autoaffirmation. « … le Père aime, / Qui règne au-dessus de tous, / Le plus que l’on cultive / La lettre ferme, et que ce qui existe soit bien / Interprété. S’y conforme le chant allemand. » (Patmos, p. 105) Le monde est plein de divin, au poète d’interpréter « ce qui demeure », ce qui est énigme. Outre une strophe de la deuxième version de Mnémosyne, sont présentés onze poèmes dont À la terre mère, Le Rhin, Souvenir… Il s’agit des derniers hymnes, que Ludwig Lehnen s’est attaché à traduire dans le respect de leur ton « pindarien », et de leur inconcinnitas, dont il rappelle qu’elle désigne la tension, la densité, la simplicité (c’est en effet l’absence d’afféterie !). Et qu’il s’agisse du choix du lexique, de la mesure, du refus des inversions, du respect des enjambements etc., la lecture du texte français se fait comme en pleine lumière.


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Traduit de l’allemand et présenté par Ludwig Lehnen
La Différence
« Orphée »
128 p., 6,00 €

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