Par Gérard-Georges Lemaire
Ce petit ouvrage est extrêmement précieux. Rédigé en 1924, il fait le point sur les nouvelles orientations de la poésie soviétique. Il commence par un curieux excursus comme quoi ce serait la prose qui aurait pris le dessus à cette époque et de surcroît la prose féminine. Mais cela ne change rien au fait qu’il entreprend une analyse très poussée, mais aussi très synthétique de ce qui est en jeu dans la création poétique de son pays en pleine guerre civile. Ce qui est passionnant est qu’il ne traite pas seulement des auteurs qui sont passés à l’histoire, comme Essenine, Maïakovski, Khlebnikov, Akhmatova, Mandelstam, mais aussi d’autres moins célèbres, ce qui permet d’avoir un panorama assez complet de ce qui se jouait à l’époque. Écrit sans malveillance ni esprit de polémique (ce qui ne l’empêche pas d’avoir des points de vue critiques), il sait en un clin d’œil voir ce qui fait l’essence du travail de chacune des figures dont il parle. Ce grand théoricien de l’écriture s’est ainsi révélé un merveilleux historien et, du même coup, un homme capable de dégager le meilleur dans une phase pour le moins troublée. Quiconque désire connaître la littérature russe du XXe siècle doit avoir ce livre comme un bréviaire. Et ne jamais l’abandonner ! Mieux que n’importe quelle encyclopédie et avec la faculté de dégager les qualités profondes des poètes selon leurs choix esthétiques, il nous sert sur un plateau les maîtres du nouveau langage de la Révolution !